Plus c’est gros, plus ça passe. Pour nous vendre sa radarothérapie à tout crin, l’Etat n’en finit pas à utiliser de grosses ficelles et des statistiques bidons. Ainsi, dans le dossier de presse diffusé par la préfecture d’un petit département Français cette semaine, les caciques de la Sécurité routière y sont allés de bon coeur : «on constate après installation des radars, sur une période de 5 ans, une forte baisse du nombre d’accidents (‐77%) et de tués (‐73%) sur la zone de 1000 m autour du radar, ainsi que sur la zone de 4000 m : ‐73% d’accidents et ‐70% de tués», peut-on lire. Bigre, voici ce qu’on peut appeler un bilan plutôt extraordinaire puisque ainsi, les 18 radars automatiques de ce département auraient permis d’éviter sur la période la bagatelle de 882 accidents et 342 morts. Alleluia !
Sauf que ce calcul – sur la base d’un simple règle de trois – est aussi énorme que faux. D’abord parce que la montée en puissance des radars a été progressive au fil des ans, ensuite parce que le département en question n’a jamais connu autant de morts sur les routes. Mais je ne suis pas un as en statistique, et n’ai peut-être pas la bonne grille de lecture. Donc, j’ai déposé à la Préfecture une demande pour obtenir la compilation précise des événements qui ont permis de dresser cette statistique sur 1.000 et 4.000 mètres autour des radars. Sachant que cette réponse, je risque de l’attendre longtemps…
Est-ce que la profusion des radars automatique a permis d’éviter des tués sur la route ? Sûrement. Mais pas autant que voudrait nous le faire croire le ministre de l’Intérieur pour justifier la ponction de 658 millions d’euros (sur un total de 1,671 milliard d’euros de produit des amendes) qu’il opère dans la poche des automobilistes. Car selon de vrais experts en mathémathiques, il conviendrait par exemple prendre en compte le taux moyen de décroissance de la mortalité routière, établi à -3,13 % pour la période 1991-2002, dû notamment à l’augmentation de la sécurité passive des véhicules, accéléré encore ces dix dernières années avec la généralisation de l’antipatinage, de l’ABS, des Airbags, des prétensionneurs de ceinture, la détection du sous-gonflage, etc. ; le reste serait peut-être dû aux radars, mais plus certainement à la prise de conscience du risque routier. Même si dans ce domaine, le travail à faire, notamment pour lutter contre l’alcoolémie au volant, première cause des accidents, contre les prises de drogues et médicaments et contre l’inattention. Mais contrairement aux contrôles automatiques de vitesse, lutter contre ces vraies causes d’accidents demande des moyens humains, que l’Etat n’est pas disposé à mettre…
Reste alors la répression de la seule vitesse, avec toujours plus de radars, toujours plus de PV, mais pas plus de sécurité. Et un ras-le-bol qui monte dans une République qui se délite. Car tout cela porte un nom : la politique de Gribouille.